Kelvin Konadu : “Il n’y a plus de tabou ni de limite dans mon travail”
Kelvin Konadu nous parle ici de sa démarche artistique et de sa vision de la photographie. Un artiste talentueux, travailleur et sincère, qui se livre avec une grande humilité.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Kelvin Konadu, j’ai 27 ans et je suis photographe. Je vis en Belgique dans la région liégeoise mais je suis d’origine ghanéenne. J’ai commencé à m’intéresser à la photo à 18 ans, avec le Nikon D3100 de mon frère. À ce moment-là, je découvrais ce que c’était que la photographie. En parallèle, je m’amusais également sur des logiciels comme Photoshop. J’avais donc un intérêt pour les images, le travail des clichés. En 2015, je suis rentré à l’école Saint-Luc de Liège, en photographie. Je maîtrisais déjà les logiciels, ce qui m’a permis d’aller plus loin dans mon apprentissage de la photo. En effet, cela m’offrait plus de possibilités ; je savais qu’après une séance, je pouvais m’amuser en post-production.
Comment décririez-vous votre travail ?
Mon travail aujourd’hui est libéré. Je me suis libéré de toute les barrières que je m’étais mis tout seul à une époque. Actuellement, il n’y a plus de tabou ni de limite dans mon travail. En tout cas je ne m’en impose plus et surtout, j’ose tout ce dont j’ai envie. J’ai toujours apprécié la peinture, notamment la période de la Renaissance, le cinéma et d’autres formes d’arts. Avant, je pensais qu’il était impossible de mixer ces différents domaines avec la photographie. Aujourd’hui, je le fais régulièrement. D’ailleurs, il y a beaucoup de théâtralité dans mon travail.
On retrouve également du dynamisme et de la couleur dans mes photos. Je travaille dans des conditions différentes, ce qui me permet de créer et jongler entre plusieurs univers. J’aime beaucoup travailler en studio avec des gélatines de couleur par exemple, mais aussi en extérieur avec une lumière naturelle. Je fais beaucoup de séances en studio à l’heure actuelle et c’est marrant car lorsque j’ai commencé mes études de photographie, j’étais le plus nul dans ce domaine. À l’époque, j’étais bien plus à l’aise lors de séances en extérieur et aujourd’hui, j’apprécie les deux.
Quel est votre processus créatif, de l’idée jusqu’au cliché final ?
La plupart du temps, je visualise déjà ce que je voudrais faire avec les profils que j’ai en tête. J’ai souvent l’idée de la structure de la photo et l’idée de la structure des lumières. Cependant, le résultat n’est pas toujours exactement celui que j’ai en tête. Mais je sais déjà plus ou moins où aller ; j’ai une idée de ce que j’aimerais en termes de profil, de lumière et même de maquillage. Cela dit, je travaille seul la plupart du temps. Le fait de travailler avec des équipes, c’est-à-dire des maquilleuses par exemple, est assez récent. Je ne fais appel à des maquilleuses que depuis 2020 et de façon ponctuelle.
Pour que la visualisation de l’univers créatif d’une photo se concrétise, je fais des moodboards. J’en réalise de plus en plus pour les personnes qui book avec moi, surtout pour les projets très artistiques. Quand il s’agit de projets plus personnels, je ne ressens pas le besoin d’en faire. D’une manière générale, les moodboards sont tout de même un gain de temps. Ils permettent aux personnes qui travaillent avec moi de vraiment comprendre l’univers du shooting. Au moment de la séance, je suis assez directif et je n’ai jamais vraiment rencontré de difficultés à communiquer avec le modèle et dire ce que j’ai en tête. En fonction du shooting, je vais d’avantage guider et diriger. Bien que je sache dans quelle direction je souhaite emmener une séance, je laisse une liberté au modèle. La photographie pour moi, c’est du 50/50. L’échange entre le photographe et le modèle se fait dans les deux sens. Je guide une séance en restant ouvert aux propositions artistiques du modèle. Enfin, je travaille mes clichés sur les logiciels en post-production.
Accordez-vous beaucoup d’importance aux retouches ?
Lorsque j’exporte mes clichés, je sais que je vais devoir les retravailler. La composition peut être parfaite et le résultat tel que je l’avais imaginé, cela ne change rien. Je passe systématiquement par la case Photoshop ou Lightroom. Les retouches effectuées ne sont pas nécessairement importantes, elles peuvent être minimes, mais je passe obligatoirement par ces programmes pour les finitions. De plus, je m’occupe de ce travail de post-production tout seul.
À travers vos clichés, vous aimez partager votre vision du monde tout en laissant une sorte d’universalité où chacun peut se questionner. Pourquoi est-ce important pour vous ?
J’ai envie que tout le monde puisse avoir sa propre idée de la photo. J’utilise souvent le terme de “Neverland” car ça renvoie à quelque chose d’enfantin et d’insouciant. Cela peut être n’importe quel enfant et tout le monde peut se reconnaître. Il y a une sorte de naïveté qui permet d’observer et d’apprécier quelques secondes une photo, quelque soit notre histoire. Je continuerai toujours de laisser cette universalité même si je traite parfois de sujets plus sérieux. Je veux apporter ma touche mais laisser aux gens la liberté de perception. La personne qui regarde l’image a carte blanche au niveau de l’interprétation. Cependant, j’aime glisser certaines subtilités dans mes clichés. Chacun est libre de les comprendre et de les relever. J’aime par exemple y inclure des références mythologiques ou bibliques. Il y a beaucoup de récits que je trouve assez intéressants et que j’essaie de retranscrire à travers la photographie, dans le monde contemporain. Le résultat peut sembler banal mais je laisse parfois des indices, comme un titre. Prenez le cliché La destinée d’Abel et Caïn (cf ci-dessous) par exemple. Dans le récit, ces deux frères ont des idées opposées, ce que j’ai tenté de représenter en faisant une composition dos à dos. La lune renvoie aussi à quelque chose de maternel, qui rappelle leur lien. Quand on n’a pas la référence, on peut simplement être interpellé par la composition de la photo. Il est possible d’apprécier le cliché sans forcément connaître tous les éléments pensés lors de la réalisation.
Question technique pour les amateurs de photographie : quels sont vos outils de prédilection ?
J’ai commencé la photographie en travaillant avec un 50mm. Récemment, en devant remplacer mon appareil photo suite à un vol, j’ai décidé de prendre un Canon avec deux objectifs, un 50mm et un grand angle. Pour résumer, le 50mm a toujours été mon chouchou et depuis peu, je m’amuse avec le grand angle. Sinon, j’accorde beaucoup d’importance à la lumière. En studio j’utilise donc très souvent les gélatines de couleur et à l’extérieur je privilégie la lumière naturelle mais j’apporte toujours des flashes au cas où il y aurait trop de nuages. Si je trouve l’éclairage naturel trop plat, les flashes peuvent m’aider à rehausser le tout.
Quels sont vos futurs projets ?
J’ai plein de projets, on m’appelle de plus en plus. J’ai notamment été contacté par des labels et je travaille avec certains d’entre eux. Des artistes belges vont bientôt sortir leurs albums et je m’occupe de leurs couvertures. Je me suis occupé de la pochette de l’album des rappeurs Moji x Sboy par exemple. C’est sympa mais je ne veux pas me cantonner à ce milieu-là. Je veux continuer mes projets personnels tout en faisant des propositions pour des projets éditoriaux plus structurés. J’aimerais bien travailler avec quelques magazines. J’aime me diversifier, je ne me limite pas à une idée. Et enfin, ce n’est pas vraiment un projet mais je trouverais ça bien de développer une sorte de solidarité dans le monde artistique à Liège.
Retrouvez Kelvin Konadu sur son site internet et son compte Instagram.
Propos recueillis par Roxane Thomoux
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